Cauchemar et tendresse [Nina & Peter]

J'étais entourée de toute ma famille. Mon père, ma tendre mère, se tenaient la main en marchant devant moi. Je poussais le landau de mon petit frère qu me faisait de grands sourires en agitant ses menottes de bambin vers moi. La petite sœur devant nous, elle courait après les papillons en riant, elle bondissait, rayonnait, et ses cheveux luisaient sous le soleil doré. Moi même je profitais de cette douce chaleur qui irradiait ma peau, et de la plénitude que je ressentais d'être en compagnie des gens que j'aimais. Mais je sentais quelque chose d'étrange, un pressentiment d'une nature inquiétante, qui s'insinuait au plus profond de moi. Nous approchions d'un cratère, creusé dans le sol à notre droite. Mes parents et ma petite sœur continuait d'avancer, le creux n'avait en effet rien d'inquiétant. Qu'est ce qui aurait pu nous inquiéter d'ailleurs ? Nous étions une famille en ballade sous un soleil radieux. Nous avions tellement d'amour à partager. Au fond de ce trou dans le sol, il y avait une petite plante. Toute faible et fragile. Je m'arrêtais en haut du cratère pour l'observer. Je la vis grandir soudain, de façon démesurée. La plante dépassa bientôt la taille de tout être humain, puis grandit encore plus qu'une maison. Je commençais à hurler, effrayée par cette incohérence naturelle, et pour avertir le reste de ma famille qui avançait toujours paisiblement devant moi. Le bébé du landau commençait à chouiner, il ne voyait pas la plante terrifiante pourtant. Mais c'était mon visage horrifié qui lui faisait craindre quelque chose de grave. La plante se tourna d'un coup vers nous. Ouvrit une bouche verte énorme, remplit de dents pestilentielles, et dévora d'une seule bouchée le landau et mon petit frère; Je restais pétrifiée. Puis elle se tourna vers mes parents, les dévora à leur tour, sans même qu'ils s'en rendent compte, car ils continuait à marcher loin devant elle. Seule ma petite sœur se retourna, et je vis sa bouche se tordre de frayeur, et son dernier regard aller vers moi, son inquiétude quant à mon sort à venir. Je voyais dans ses yeux doux qu'elle ne s'inquiétait déjà plus pour elle, consciente de ce qui allait lui arriver. Elle s'inquiétait déjà pour moi... La plante la dévora à son tout, avant de rapetisser, rapetisser, et de revenir à sa taille normale au fond du cratère. J'étais seule, et cela me donnait un étrange sentiment de déjà vu, comme l'impression d'avoir déjà tout perdu, toute ma famille, auparavant. J'hurlais. De toute mes forces.

Mon propre cri me réveilla, et se répercuta contre les murs de ma chambre, dans la pièce silencieuse plongée dans l'obscurité. Cauchemar en prison.

« Bien. Je te laisses, je suis fatigué et j'ai du travail. On se rappelle plus tard, bye. »

Je me levais d'un bond, à la fois désorientée et apeurée. J'étais où là ? Il faisait sombre, la seule source de lumière émanait de la porte située au fond de la pièce. Une silhouette y était postée, que je ne distinguais pas à cause de l'obscurité. Je reprenais peu à peu mes esprits. J'étais dans mon lit, tout allait bien, il n'y avait pas de plante carnivore affreuse autour de moi. Et c'était sans aucun doute Peter, alerté par mon cri, posté dans l'encadrement de la porte. Tout allait bien, je reprenais mon souffle, qui était fortement heurté après ce cauchemar. Je me rassurais : tout allait bien, ce n'était qu'un mauvais rêve. Sauf que ma famille avait véritablement disparu, dans des conditions tout aussi atroces. Mais ma soeur et mon petit frère était toujours vivant, en bonne santé, et au chaud dans leur lit à leur qu'il était. Ils étaient vivants, contrairement à dans mon rêve. Eux, avaient été épargnés dans la réalité. J'avais une envie folle de les avoir autour de moi à cet instant, des les serrer dans mes bras, comme quand ils étaient petits. Je repensais à mes parents, main dans la main, amoureux... Puis morts. Comme dans la réalité. J'éclatais alors en sanglots, des sanglots irrépressible qui venaient du fond de ma poitrine et me secouaient les épaules. De grosses larmes roulaient sur mes joues, que je n'arrivais pas à arrêter. Je balubutiais entre deux sanglots :

"Excusez moi Peter... J'ai fais un affreux cauchemar"

Je pleurais de plus belle.

Je sanglotais toujours, et Peter semblait hésiter quant à la marche qu'il fallait suivre. Je comprenais son hébétude. Il ne m'avait pas vu dans cet état depuis son premier jour, son arrivée ici. J'avais fais attention depuis à être plus froide que jamais, pour lui faire oublier cet incident, et reprendre mon rôle. Mais nous étions sans cesse tous les deux, son bureau était collé au mien, il devait m'accompagner partout, noter tout ce que je disais, me suivre à la trace, tenir mon emploi du temps, remplir mes papiers. Il faisait tout ce que j'avais pas le temps d'accomplir. Donc, nous étions condamner à être ensemble quasiment toute la journée, et une bonne partie de la nuit également, quand il nous fallait travailler tard. De plus, nos appartements étaient collés, les parois étaient fines et laissaient peu de place à l'intimité. Je l'entendais le soir regarder la télé, téléphoner à son frère qui s'inquiéter, je l'entendais soupirer de lassitude. Et moi, je devais me faire toute petite et discrète quand mes nerfs lâchaient et que j'avais envie de craquer. Je devais pleurer en silence. Etant donc toujours très proches (physiquement, car j'essayais d'instaurer une relation très sérieuse et professionnelle entre nous, pour ne pas me laisser attendrir par son coeur tendre), j'essayais de rester neutre et sérieuse, et de ne rien laisser paraître des émotions qui me traversaient parfois. Avant, c'était plus facile... Avec d'avoir un secrétaire, je pouvais me retenir la journée, et j'étais libre de craquer quand j'étais seule dans mon bureau. Maintenant, n'étant que très rarement toute seule, cela était plus difficile. Voilà donc la deuxième que Peter me voyait dans cet état.

Après son hésitation, je le vis entre mes larmes s'approcher à petit pas, inquiet. Je comprenais aussi son inquiétude. Il savait que je pouvais d'un coup me mettre à l'engueuler, à l'envoyer balader, et à lui faire le reprendre le travail illico, lui privant de sa précieuse nuit de sommeil. Mais je ne fis pas ça. Car ce n'était pas vraiment moi, c'était la part que je me forçais à jouer pour être digne de ma place de directrice de prison. Et dans mes moments de faiblesse, ma personnalité douce et triste ressortait inévitablement. J'avais à ce moment simplement envie qu'on me console. Et c'est ce qu'il fit. Il s'accroupit à mes côtés, et serra ma main, tendrement apeuré, comme s'il avait peur de me briser. alors je me jetais dans ses bras, et blottis ma tête au creux de son épaule, couvrant sa chemise de mes larmes salées, tout en bénissant se moment de tendresse que je n'avais pas éprouvé depuis des années.

Je me demandais pourquoi il n'avait jamais été aussi prévenant.. Puis je compris que c'était parce que je ne lui en avait jamais laissé l'occasion. Il avait sa joue collée à mon front, les bras serrés autour des miens. Enfin je recevais la tendresse que j'attendais depuis des années. La tendresse dont j'avais tant manqué, la tendresse d'un père, d'un frère, d'un amant et d'un ami. Je ressentais un attachement profond pour cet homme, même si je n'avais jamais osé lui montrer. Cela aurait détruit entièrement toute ma crédibilité, et toute la carapace que je m'étais forcée à forger. Je pensais sincèrement au fond de moi que je n'avais pas le droit d'être aimée, d'être choyée. Je ne le méritais pas cela. Et il me donnait d'un coup, malgré toute la cruauté dont j'avais fais preuve, tout ce dont je rêvais.

« Qu'est-ce qu'il vous arrive ? »

"C'était un cauchemar... qui me rappelait terriblement une période malheureuse de a vie."

Je relevais les yeux vers lui, plongé dans ce bleu si rassurant.

Il allait partir. l s'était levé et e dirigeait vers la porte entrouverte, baignée par la lumière douce de sa chambre. Je ne recevais que ce que je méritais. Il était normal qu'il parte, après tout ce que je lui avais fais subir. Il avait déjà eu a gentillesse de venir me voir, mais un simple secrétaire n'aurait pas fait plus. Il en avait sans doute conscience, et c'est pour cela qu'il se levait. Il avait peut être conscience qu'il agissait de manière trop intime s'il restait plus longtemps plus longtemps. Et puis, je ne méritais pas sa compassion. J'étais un tyran dans sa vie quotidienne, et ce n'était pas parce que je me comportais en enfant craintive la nuit que son comportement envers moi devait s'adoucir. Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de répéter inlassablement de ma tête, telle une litanie :

"Ne me laisse pas Peter, ne mes laisse pas. Reste s'il te plait, reste, j'ai besoin de toi"

Je serrais les paupières en retenant un nouveau flot de larmes et en espérant qu'il entende mes pensées et me revienne. Je sentis alors une caresse fraîche sur ma joue, et des paroles douces, encore :

« Pensez vous que vous pourrez réussir à vous rendormir ? Puis-je faire quelque chose pour vous, Nin...Madame Hardness ? »

Je m'empressais de balbutier, craignant qu'il change d'avis et se détourne de moi à nouveau :

"Si... Si vous pouviez rester près de moi le temps que je me rendorme... Cela me serait utile... et réconfortant, surtout"

Je relevais les yeux vers lui, suppliante.

Mes rêves furent beaucoup plus calmes auprès de Peter. Sa présence chaude près de moi était réconfortante et me berçait dans des rêves doux, sans significations particulières.La lumière du matin commençait à percer les rideaux de me chambre, et je m'éveillais doucement. En ouvrant les paupières, la première chose que je vis fut son visage. Il était très près du mien, et je sentais son souffle chaud sur mes joues. Il dormait profondément, avait un visage calme de poupin heureux. Il avait un air encore plus attendrissant dans son sommeil, ce qui n'est pas peu dire, car il était déjà extrêmement touchant éveillé. J'avais une terrible envie de caresse r son visage, alors je sortis précautionneusement mon bras du dessous de la couette, et caressais sa joue du bout de mes doigts. Sa peau était douce, et dans son sommeil, il esquissa un demi sourire. J’eus envie de rire en le voyant si joyeux dans son repos, et malgré mon désir de retenir ce rire pour ne pas le réveiller, j'eus quelques mouvements d'épaules frénétiques d'amusement. Ses paupières s'ouvrirent alors, il semblait un peu perdu. Il devait se demander ce que faisait un sourire amusé sur mon visage, alors que je le regardais fixement. Je repris contenance et me levais rapidement. Cette nuit avait été très riche émotionnellement, à la fois traumatisante et merveilleuse, triste et douce, terrifiante et tendre. Mon cauchemar m'avait fait du mal, mais Peter m'avait consolé, et même soigné, un peu. Le mauvais souvenir était désormais oublié, et je retenais seulement de cette nuit le soutien incroyable dont j'avais bénéficié. Mais désormais, la nuit était finie. Cette parenthèse heureuse qui m'avait été accordé n'était que temporaire, et je devais reprendre mon rôle, et mon travail. Une dure journée nous attendait. Comme tous les jours. Une journée de haine, de violence. Une journée en prison. Je pris alors un air grave, qui me parut étranger, alors que c'était l'air que j'avais habituellement.
Je me tournais alors vers Peter, et déclamais d'une voix redevenue assez sérieuse :

"Au travail. Nous allons être en retard. Et puis vous n'êtes pas au point encore, il faut travailler plus si vous voulez être efficace auprès de moi. J'attends toujours les dossiers que vous deviez me rendre sur les dernières visites aux prisonniers. Je les veux sans faute sur mon bureau, à midi. J'aurais du les avoir hier soir, c'est scandaleux !"

Je me sentais étrangère à moi même, à m'entendre dire des choses pareilles, dures, froides. Pourtant, il le fallait, au travail. C'était obligatoire. Tout le monde devait voir que je me comportais avec Peter comme avec tout autre individu, de façon cruelle. Personne ne devait savoir que, en vérité, j'étais véritablement attachée à lui. Et que je désirais plus que tout revivre des moments semblable à celui de cette nuit. Je m'empressais alors d'ajouter :

"Et... Je vous invite au restaurant. Ce soir. Si... Si..."

Je devins rouge pivoine, gênée de mon audace :

"Si vous le voulez bien..."

« Heu... Oui bien sûr ! Vous voulez me parler de choses importantes ? »

Je vois bien qu'il ne s'attend pas à ce que je fasse cela pour le simple plaisir. Pourtant c'est le cas, je désire seulement sa présence. Je lui répond alors malicieusement :

"Vous verrez bien."

Je lui adresse un clin d'oeil suivi de mon plus joli sourire. Puis je me précipite dans la salle de bain accolée à ma chambre, le laissant à son désarroi, impatiente d'être à ce soir.